Nas vit la belle vie en ce moment. Le sourire timide caractéristique du rappeur de Queensbridge a récemment été remplacé par un sourire éclatant qui apparaît de plus en plus sur ses réseaux sociaux en train de profiter de sa vie opulente depuis ses divers investissements fructueux de ces dernières années. Cela coïncide avec un nouvel élan de créativité, qui se traduit par la sortie de « King’s Disease II », la suite du très acclamé « King’s Disease » de l’année dernière. Mais pas question de croire qu’il l’a fait pour passer le temps ou pour le fun. Car quand on y pense, King’s Disease II pourrait être l’un des albums les plus importants de la carrière de Nas.
Non, la suite de King’s Disease sorti l’année dernière ne pourra jamais avoir l’impact de Illmatic en 94. Il ne s’agit pas non plus du brusque virage à gauche que marquait It Was Written en 96, ni du retour en force que constituait Stillmatic en 2001. Ce n’est même pas l’exemple brillant de maturité qu’est le très sous-estimé Life is Good en 2012.
Mais aujourd’hui, plus qu’à toute autre époque de cette dernière décennie, tous les regards sont tournés vers Nasir. King’s Disease a enfin permis à Nas de remporter ce Grammy tant attendu qui lui échappait depuis près de 30 ans. Il a également trouvé une alchimie incroyable avec le producteur Hit-Boy, ce qui a permis de combler le fossé entre la base boom-bap de Nas et les jeunes fans de rap qui ont grandi sur un rythme régulier de trap et d’autotune.
Le succès commercial ET la reconnaissance à travers les générations est le Saint Graal du respect du rap. Et Nas l’a gagné.
Maintenant, il doit tout gagner à nouveau avec King’s Disease II, et il est approprié que l’album s’ouvre sur « The Pressure« . « La pression pèse une tonne, ça devient trop lourd/Devoir les inspirer à nouveau comme si je ne l’avais pas déjà fait. » Mais comme Esco nous le rappelle dans le deuxième couplet, « J’ai soulevé ces problèmes comme de la fonte, je n’ai même pas transpiré ».
Quand j’ai appris qu’il y aurait une suite à King’s Disease, j’ai pensé qu’il ne s’agirait que de résidus des sessions originales. Vous vous souvenez quand vous achetiez un CD à la Fnac au milieu des années 2000 et qu’ils ajoutaient deux ou trois « sons exclusifs »? Oui, j’imaginais un « album » déguisé en un tas de bonus aléatoires. Au lieu de restes de table, c’est un repas complet qui se trouve devant nous, avec Nas une fois de plus en bout de table en tant que leader du rap.
Ce rôle est particulièrement visible dans « Death Row East« , une leçon d’histoire sur son rôle dans l’un des beefs les plus tristement célèbres du rap. Mais ici, il présente les événements avec des yeux beaucoup plus matures, y compris une tentative de mettre fin à la querelle. Malheureusement, il n’a pas eu l’occasion de parler avec Tupac à Las Vegas, mais la sincérité de Nas transparait à chaque ligne.
Comme je l’ai mentionné plus haut, une grande partie de la récente résurgence de Nas peut être attribuée à Hit-Boy, qui a perfectionné l’équilibre en dotant Nas d’une production de premier ordre, à la mode, sans le faire sortir totalement de sa zone de confort. À l’instar du premier King’s Disease, Nas n’a aucun problème à poser sur un morceau trap. Sur « YKTV« , il dit: « Imaginez Lil Uzi sur un beat de Preemo/Imaginez N-A-S sur un beat de Migos ». Eh bien, vous n’avez pas à l’imaginer, car il maîtrise parfaitement ce morceau, ainsi que « 40 Side« . Mais là où il brille vraiment, c’est sur les morceaux profondément soul et jazzy qui constituent la majorité de l’album, c’est le genre de musique que l’on aimerait que Kanye West fasse encore, au lieu de se livestreamer en train de dormir dans une pièce d’un stade à Atlanta.
« Store Run » est du Nasir pur et dur, où il demande carrément les fleurs qu’il mérite. La toile de fond soulful ajoute encore plus de poids :
« Quel est votre plan de sortie ? Face à face avec mes présages, je n’ai jamais fui
Je suis monté sur des scènes sur lesquelles la plupart des gens ne pourront jamais monter, pyrotechnie et pantalons en cuir
Faire évoluer la culture
Mentionne-moi avec Mick Jagger et Bono comme tu es censé le faire
Je me tiens à côté de débutants, mais ils ont l’air plus vieux
L’altitude de la matière est si froide qu’elle vous fait couler le nez
Comment espères-tu recevoir de l’amour si tu n’en montres pas ? »
« Rare » (dont vous pouvez voir le clip ici) commence en ressemblant à un morceau d’un jeu Genesis avant de basculer à mi-chemin, augmentant l’intensité, tandis que « No Phony Love » avec Charlie Wilson est tout à fait le cours intensif de romance auquel on s’attend.
Et les moments d’introspection sont tout aussi lourds. Hit-Boy sort l’orgue d’église pour « My Bible » afin que Nas puisse être « spirituel comme une chanson profonde de Shirley Caesar ».
« Deuxième chapitre, et vous obtenez ce que vous donnez
Le pouvoir est dans la façon dont on vit, je m’assois et je parle avec les enfants
Et je leur dis ce qu’il en est, marchez droit pour éviter la prison
Vivre vite peut attendre, travaillez vos cours
Je parle de l’évangile pour la prochaine génération
Tu peux tout avoir, mais ne te mets pas du côté de Satan »
Bien sûr, certains diront que c’est un sermon, mais en réalité, ce n’est que l’épanchement d’années de sagesse accumulée. « Moments » est rempli de leçons de vie similaires, rappelant à l’auditeur de s’arrêter pour profiter des compliments.
Mais sans conteste, l’un des deux plus gros sujets à discussion de l’album est le retour de Lauryn Hill sur « Nobody« . Non, nous ne parlons pas d’un sample réutilisé ou même d’une contribution vocale sur le refrain. Non, nous avons la célèbre L-Boogie elle-même, qui prouve qu’elle a des bars pour des lustres et qui s’en prend à ses critiques, comme vous pouvez le voir dans la traduction complète de son couplet.
Le second gros moment de l’album était évidemment l’apparition d’Eminem sur « EPMD 2 » qui a attiré les oreilles de chaque puriste impatient d’écouter enfin une collaboration entre les deux meilleurs rappeurs de ces 25 dernières années, et dont vous pouvez lire la traduction ici.
« King’s Disease 2 » fait ce que je croyais impossible lorsqu’il a été annoncé il y a deux semaines: surpasser son prédécesseur dans tous les domaines imaginables. De la production aux concepts en passant par le rythme, tout est plus fluide, plus percutant et plus profond.
Bien sûr, il n’est pas parfait: « Brunch on Sundays » est un peu à la ramasse, même si j’apprécie son hommage à la femme noire.
La conclusion de l’album, « Nas is Good« , est le parfait tour d’honneur: « Élevé par une reine, c’est la seule raison pour laquelle j’ai réussi/King’s Disease la récurrence, cette m**** est rétablie. »
Depuis ses débuts modestes en 1994, jusqu’à l’affirmation de son statut de roi de New York en 2001, en passant par la maturité en 2012 et la présentation à une nouvelle génération en 2020, Nas a toujours été obligé de prouver qu’il était digne du trône du rap.
Après vingt-sept ans et plus passés dans le game, cette couronne lui va toujours à ravir.
Ecoutez l’album ci-dessous: