Valley Of Death, les périples des afro-américains vus par les Cunninlynguists

‘Valley of Death’ est sorti en 2007 et est tiré de l’album Dirty Acres. Dans ce morceau, Natti et Deacon emploient la métaphore de la  »Vallée de la mort » pour évoquer le trajet que la vie d’un afro-américain emprunte comprenant plusieurs obstacles tels que le racisme, la prison ou encore l’esclavage.

https://www.youtube.com/watch?v=mM-qAebAqVg

Avant de trouver une stabilité financière et émotionnelle via l’arrivée du hip-hop dans sa vie, Natti a enduré des épreuves douloureuses et tumultueuses dont un séjour en prison de deux ans. Selon lui, la condition des afro-américains n’a guère évolué depuis l’esclavage, celui-ci étant simplement camouflé plus subtilement. Il pointe également du doigt le fait qu’actuellement, les noirs se retrouvent en effectif abondant dans le milieu pénitencier, représentant plus de 40% de la population carcérale lorsque ce morceau a été écrit. Par ce biais, il dénonce ironiquement le travail de certains habitants du quartier qui sert à éradiquer la verdure afin de construire des prisons, dans lesquelles ils seront prochainement enfermés :

J’ai vu des périodes obscènes avant l’arrivée du hip-hop
Comme les flics qui m’ont contrôlé et m’ont laissé en prison
Travaillant dans la saleté pour un dollar et demi par jour
Abattant des arbres pour la prochaine prison en construction
Ils nous distinguent des esclaves pour une paie de trente dollars




Natti reprend ici le proverbe « Quand la vie te donne des citrons, fais de la citronnade » signifiant une attitude optimiste face à l’adversité. Or, il décide de l’employer pour révéler son désarroi face à l’injustice raciale dont il est victime. Désespéré face à cette société capitaliste qui ne fait qu’aggraver sa condition modeste, il a conscience de l’exploitation dont il est victime :

Je comprends le business, j’étouffe en secret car quelqu’un est payé
Nos citrons ne sont que des débuts modestes
Ma sueur a été le sucre de la limonade d’un sale blanc
Mon frère est à Bagdad, les mains serrant des grenades
Pendant que nous nous bousculons comme des domestiques, essayant d’acheter des chaînes en or
Je vends mon cul pour essayer de faire de la thune

Ici, Deacon décide de s’allier aux États indépendantistes du sud des États-Unis afin de clamer son insurrection. Il fait ainsi allusion au conte Hansel et Gretel, qui brûle la maison où ils sont emprisonnés, et reprend cette narration afin de proclamer sa rébellion envers le gouvernement américain :

Je vais porter votre drapeau confédéré et être un rebelle
Brûler cette sorcière, je suis Gretel avec du métal lourd
Radié, pour avoir pissé sur nos espoirs et nos estimes
Depuis que je suis jeune je les ai vus comme si ils étaient entrés dans mes rêves

Condamnée à évoluer dans une misère insalubre, la jeunesse perd tout espoir de s’affranchir d’une politique libérale réservée aux personnes aisées, délaissant ainsi les minorités :

Vous allez écouter ? Il semble que le seul sens que vous ayez est la vision
Et que depuis que nous avons perdu nos sens, le sens est en train de disparaître
Et depuis que nous avons empêché notre jeunesse de prier, l’insensibilité est livide
Et les riches n’en ont rien à foutre parce qu’ils n’ont pas à le vivre

Ceux qui détiennent le pouvoir prennent des décisions peu satisfaisantes à la place des habitants du quartier, alors qu’ils n’ont jamais été confrontés à la vie dans les banlieues, à la misère humaine ou encore à la violence. Restant éloignés de ces situations, les minorités ne représentent que des statistiques à leurs yeux ou encore un espace dangereusement intriguant. À force de manifester son désarroi de manière pacifique, Deacon hésite à se révolter impétueusement afin de se faire entendre :

Je vois la dureté de la vie tous les jours, vous n’êtes jamais venus
Pour vous, le « ghetto » est un musée, en réalité nous ne faisons qu’être exposés
En vérité, nous ne sommes que quelques chiffres, un moyen pour arriver à une fin
Comme vous ne voulez pas écouter, je devrais utiliser mes poings à la place de mon stylo
Alors peut-être que tout ça sera intégré

Dans cet extrait, Deacon reprend un verset biblique réputé « Si je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi ; ta houlette et ton bâton me rassurent », qui dépeint l’environnement contraignant que représente celui des quartiers, tout en trouvant l’espoir par la présence de Dieu face aux épreuves douloureuses d’une vie. Afin de se faire entendre, le groupe Cunnylinguists souhaite proclamer leurs droits sur cet album Dirty Acres, « hectares sales » :

Habitant dans la Vallée de la Mort, je tombe dans les fosses qu’elle contient
Je suis allé au sommet de la montagne où les rues sont pavées d’or
Mais je sais que « seul Dieu peut éteindre notre flamme, en attendant, nous allons faire face à notre douleur ».
Et je sais que « seul Dieu peut éteindre notre flamme
D’ici là, nous allons revendiquer nos droits sur ces hectares sales »

‘Valley Of Death’ propose une approche spirituelle ainsi qu’une dimension biblique en évoquant de nombreuses allusions religieuses, afin de prôner une vertu théologique, celle de l’espérance malgré les nombreux obstacles qui y entravent.

 

De quoi ça parle? est la nouvelle section d’Adramatic Hip-Hop dans laquelle vous retrouverez quotidiennement une analyse textuelle détaillée d’un son ainsi que la traduction de ses passages clés afin d’en extraire l’histoire qu’il raconte.

Jeanne N
Jeanne N
Passionnée de la culture hip-hop depuis des années, je suis une grande fan de gangsta rap notamment N.W.A, Ice-T, 2Pac ainsi que d’artistes new-yorkais tels que Notorious B.I.G, Mobb Deep, Nas ou encore Public Enemy.