‘Mental Exorcism’ est sorti en 2015 et est tiré de l’album Deeply Rooted. Dans ce morceau, Scarface fait face à ses tourments par rapport aux démons qui habitent en lui en raison des activités illégales qu’il commet. De plus, il en profite pour déclarer une critique envers le système fédéral corrompu aux États-Unis.
Scarface dépeint l’atmosphère morne qui règne dans les rues du ghetto de part la misère humaine, éducative et financière qui l’anime. Le manque de perspective possible contraint les habitants à déployer d’autres moyens, toutefois périlleux entraînant leur propre mort ou celle de leur entourage ou alors l’emprisonnement. Il met également en avant que ce mode de vie ne relève pas de leur volonté mais plutôt d’une obligation afin de survivre face à cette pauvreté extrême :
La vente de drogue fait saigner nos mains
Etre fauché n’est pas une option
Le pénitencier ou la tombe sont les seuls moyens de se retirer
Faire notre peine jusqu’au bout puis revenir
Dans ces rues où nous allons de part ce que la vie nous a enseigné
L’erreur n’est pas acceptée au quartier, de ce fait les individus se doivent de rester pieux afin d’éviter de nombreuses tentatives d’assassinats. Malgré la lucidité d’esprit dont il fait preuve, il avoue raisonner de manière manichéenne et de facilement employer la violence s’il se sent menacé. Toutefois, il confie vouloir changer d’état d’esprit et ce rallier du côté de Dieu lorsque ses démons seront définitivement partis de son quotidien :
Pour rester en vie les négros doivent marcher droit
C’est réel ils vont vite pour jouer avec les gâchettes des pistolets
Je ne sais gérer ces négros que d’une seule façon
Et un jour, je jure devant Dieu que je vais changer ça
Mais je ne peux pas parce que ces méchants démons sont revenus
Ne pas réussir à illustrer une émotion avec des mots signifie que celle-ci est extrêmement intense et inqualifiable tant ce sentiment est puissant. Ici, Scarface ne parvient pas à décrire la souffrance qu’il ressent tant elle est conséquente et désastreuse. Il dévoile également le comportement des jeunes du quartier, qui restent mitigés face à leur fidélité auprès du ghetto mêlé à leur cupidité, désireux d’un style de vie plus luxueux. Désespéré, Scarface ressent le besoin d’exprimer son mal-être, or il ne sait pas vers qui se diriger afin d’être écouté et compris. En effet, il se trouve confronté à une situation particulière, celle de vouloir rejeter l’entité spirituelle maléfique de sa vie, Satan, afin de pouvoir redevenir l’homme humble et brave qu’il était avant que le Mal s’empare de son âme :
Quand je suis défoncé je ne peux pas vous expliquer
Ce que l’on ressent lorsqu’on souhaite mourir et mettre fin à la douleur
Parce que j’ai été un mec loyal et vous pouvez me croire
Mais la loyauté contre l’avidité c’est égal à ‘nique ça’
J’ai besoin de parler mais il n’y a personne pour m’écouter
Je suis perdu dans un exorcisme mental
Scarface essaie de s’éloigner de la misère en refusant de constater les atrocités du quartier, or cette douleur est trop profonde, elle est constamment présente. Son passé le hante, il ne peut faire abstraction de son vécu malgré son désir d’évader son esprit. Il dévoile son envie de quitter cette Terre, afin de rejoindre les Cieux et ainsi ne plus subir la violence dont il est perpétuellement confronté :
Parfois je ferme les yeux en essayant de me cacher de la douleur
Les choses de mon passé rattrapent vite la vie à contre-courant
Juste une fois, je veux me vider l’esprit, le silence semble si bruyant
Si je le pouvais, je m’envolerais et vivrais ma vie au-delà du nuage gris
Ma sœur a disjoncté, stressant ma grand-mère
Parce qu’elle n’a que 17 ans et qu’elle est déjà enceinte
Un autre épisode de ces feuilletons du ghetto
Sans aucune figure paternelle, les adolescents du ghetto ne parviennent pas à construire leur personnalité. Le processus d’imitation parentale ne peut être acquis, de ce fait les jeunes ne reçoivent pas l’autorité nécessaire qui leur servirait de fondement essentiel au bon déroulement de leur structure psychique. De part cette raison, ils restent facilement influençables et fascinés par le mode de vie des gangsters, toutefois la rue ou la prison se chargent de leur destinée :
Leur oncle est en prison, leur papa est décédé et leur maman
Ne peut pas leur apprendre à être des hommes ; ils grandissent en étant des disciples
Les rues les englouties puis la vie les domine
Ensuite, ils vont en prison où les anciens gars les réduisent en miettes
Crash test d’un imbécile lambda
90 % de notre avenir se trouve en prison
En 2015, 36.252 individus ont été abattus par balle aux États-Unis ainsi et 1637 enfants ont été victimes de tirs, de ce fait Scarface emploie l’adverbe « encore » afin de dévoiler la persistance et la répétition incessante de cette tragédie, accroissant la souffrance déjà présente au sein des foyers familiaux originaires des quartiers. De part la dureté et la tristesse de son discours, l’entourage de Scarface pleure son dénuement :
Un autre enfant tué de sang froid, le coeur d’une mère dévasté
Ma famille pleure sur les premières paroles que mon coeur a exprimées
Des mots blessants que je n’oserais jamais prononcer
Malgré ses tentatives de ralliement auprès de Dieu, il reste tout de même au contact du Diable qui l’accompagne dans chaque épreuve. Toutefois, il se remet en question lorsqu’il dénonce le pasteur de manipuler les foules, alors que ce dernier propose une démarche spirituelle axée sur l’humanité et la bienveillance envers autrui :
Dans la maison du seigneur, je suis encore dans la portée du diable
Je ne veux pas entendre le pasteur prêcher de mensonge
En plus, il sait comment est le Mal, mais qui suis-je
Pour juger un homme quand je le vois essayer d’être bon?
Scarface dépeint avec lucidité la triste réalité de la société dans laquelle il vit, où meurtre, entraves judiciaires et prison sont mis à l’honneur. Il décrit la destinée similaire de tous les habitants du quartier qui se trouvent piégés dans un système capitaliste, corrompu et criminel dirigé par le gouvernement américain. Afin d’intimider les individus, le Ku Klux Klan a pour rituel d’enflammer une croix en guise de renaissance, Scarface évoque ainsi le désarroi de cette époque en illustrant son propos avec cette pratique controversée de l’organisation suprémaciste américaine la plus contestée des États-Unis :
Nos petits potes meurent de sang froid
Un autre signe de cette époque mais c’est terrifiant
Que vous pourriez nous tuer, nous entourer à la craie
Être arrêté, aller en prison, aller au tribunal et dégager
C’est foutu, nous nous inquiétons de l’argent perdu
Alors que Ku Klux Klan s’apprête à incendier une nouvelle croix
Je ne le nie pas, je parle de mon intuition
Ca vient aussi de mon exorcisme mental
Et de ma sagesse
Le clip vidéo de ‘Mental Exorcism’ propose un contenu émotionnellement puissant en mettant en avant l’actualité des bavures policières grâce aux nombreuses images de l’époque, et rend hommage aux victimes de la brutalité fédérale qui aggravent les conditions de vie des milieux défavorisés et minoritaires. Ce clip vidéo est également utilisé par le mouvement militant ‘Black Lives Matter’ qui se mobilise contre le racisme envers la communauté afro-américaine.
De quoi ça parle? est la section d’Adramatic Hip-Hop dans laquelle vous retrouverez régulièrement une analyse textuelle détaillée d’un son ainsi que la traduction de ses passages clés afin d’en extraire l’histoire qu’il raconte.