R.A. The Rugged Man nous emmène au coeur de la guerre du Vietnam avec Jedi Mind Tricks

De quoi ça parle? est la nouvelle section d’Adramatic Hip-Hop dans laquelle vous retrouverez quotidiennement une analyse textuelle détaillée d’un son ainsi que la traduction de ses passages clés afin d’en extraire l’histoire qu’il raconte.

 

Uncommon Valor (Courage inhabituel) sorti en 2006 sur l’album Servants In Heaven, Kings In Hell de Jedi Mind Tricks, traite de la Guerre du Vietnam (1955 / 1975).  Ici, Vinnie Paz (Jedi Mind Tricks) et R.A The Rugged Man se mettent à la place de soldats américains allant combattre sur les terres ennemies.

Les deux couplets mettent en valeur l’états d’esprit des militaires américains évoluant au fil des mois. Vinnie Paz incarne un soldat en désaccord avec le gouvernement tandis que R.A se met dans la peau de son propre père, le sergent-chef John A. Thorburn, soldat aliéné par la guerre, avec comme seule envie de défendre sa patrie en tuant l’ennemi.




Le couplet de Rugged Man est tellement foudroyant et réaliste qu’il sera considéré comme le meilleur couplet de 2006.

(Cliquez ici pour la chanson en entier)

Intro : Richard Nixon, président des USA lors de la Guerre du Vietnam

Je vous parle depuis mon bureau, où ont été prises maintes décisions qui ont formé l’histoire de cette nation. J’ai toujours essayé de faire ce qui était le mieux

Dans le premier couplet, Vinnie Paz montre sa désapprobation face à la décision du président Nixon, en n’hésitant pas à critiquer son propre gouvernement, tout en le traitant d’hypocrite et d’opportuniste. Vinnie Paz met en lumière l’état d’esprit dans lequel les 3/4 des soldats américains sont partis, c’est-à-dire, apeurés, contraints et dégoûtés.

Je ne sais pas pourquoi je suis là, ce job est mauvais
Ils m’ont envoyé ici au Vietnam pour tuer des innocents
Ma mère m’a écrit, elle dit ‘Le Président, il s’en fout’
Il essaie de laisser les empreintes de l’Amérique ici
Ils me disent ‘nous essayons de stopper l’expansion chinoise’
Mais je n’ai vu aucun Chinois depuis que nous avons atterri
Envoyant toute mon unité entière, pensant que nous pouvons gagner
Contre les guérillas Vietnamiennes ici à Gia Dinh
Je n’ai pas signé pour tuer des femmes et des enfants
Pour chaque soldat ennemi, nous tuons six civils
Yeah, et ce n’est pas juste selon moi
Je n’ai pas assez de putain de motivation en moi
Ça me fait peur, et je veux juste voir mon fils et ma mère
Mais ici, ils lâchent 7 millions de tonnes de bombes
Je passe mes journées à esquiver tous ces pièges et mines
Et la nuit en train de prier Dieu pour rentrer en vie
Et je suis forcé de m’asseoir et de me demander
Pourquoi je faisais partie de l’opération Rolling Thunder
Terré pendant 9 mois ici,
La jungle, comme un putain présage de mort ici

Vient ensuite une interlude où un officier américain réussit à transformer un soldat américain apeuré en une machine de guerre. Embrigadés, manipulés et aliénés, les américains ne sont plus maîtres d’eux-mêmes.

– Je ne veux pas être là, j’ai peur, je veux juste rentrer à la maison
– Tu te fous de moi putain ? Ne sois pas une mauviette !
– Tu n’aimes pas ton pays ?
– J’aime être ici, je suis prêt






Dans son couplet, R.A The Rugged Man incarne donc son père, le soldat patriotique américain dénué de toute empathie voir de conscience à cause du lavage de cerveau effectué par ses supérieurs. Crûment, il dit qu’il n’a aucun regret d’être ici, il reconnait ses crimes comme étant des banalités méritées par le peuple vietnamien.

Appelle moi Thorburn, John A, sergent-chef
Tireur d’élite, compétent pour tuer, j’en suis capable et je le veux
Tuer l’éléphant d’un village, violant et pillant un village
Tueurs illégitimes, la guérilla de l’armée américaine 
Le Vietnam n’est pas une vraie guerre
La Seconde Guerre Mondiale, ça c’était une guerre, ici c’est juste un conflit militaire
Abusant de drogues relaxantes, baisant des femmes vietnamiennes
Sexe, jeu d’argent et alcool – toutes ces merdes sont amusantes
Salopes et flingues, c’est le rêve de chaque mec
Je ne veux pas rentrer chez moi où je suis juste un mec ordinaire
Opérations spéciales, les hélicoptères Huey sont les patrons
Bridés (Niak) courant lorsque le minigun crache, on ne les ratera pas
On les tue, crachant 4000 munitions par minute
Victor Charlie (Viet Cong), gâchette facile, ça les touche, je suis là pour gagner
Le lieutenant a fait signe d’y aller, le méchant, je l’ai été
Les tuer, je l’ai fait, les rendre infirmes, je l’ai fait
Les images que j’ai peignées sont saisissantes, je les ai vécues

Après un crash en hélico, R.A décrit la scène d’horreur, de mort. Il aperçoit ses amis et son équipage morts, démembrés, ensanglantés.

Un magicien avec des armes : la mission secrète, nous allons la commencer
Fondée par le gouvernement, derrière les lignes ennemies
Des projectiles sont lancés, ça chauffe à une centaine de degrés
Les ennemis du nord du Vietnam
C’est pas compliqué, on me dit d’être à l’aise
Jusqu’à ce que je voie que le pilote a été touché, et nous sommes prêts à heurter plusieurs arbres
L’hélice a été cassée, on se crashe
Les américains au Cambodge, tout droit dans les mains des ennemis
Prenons une gorgée de Whisky pour nous calmer
Les hommes en jaune portent des pyjamas noirs
Ils veulent nous faire du mal, ils sont tous sur nous
Bang, bang, une balle touche mon torse, je ne ressens aucune douleur
À ma gauche, le Capitaine a reçu une balle en pleine tête
Les corps volent, perte de membres, explosions
Mauvaises intentions, je vois les intestins de mon meilleur ami
Priant celui au-dessus, il pleut, je suis couvert de boue

Lorsque la mort s’approche de lui, il a des hallucinations le projetant dans un monde parfait, dépourvu de guerre.

Je pense être en train de mourir, je me sens vaseux, je perds mon sang
Je vois mon enfance, retournant dans les bras de ma mère
Je vois toute ma vie, je vois le Christ, je vois une lumière vive
Je vois les Israélites, les Musulmans et les Chrétiens en paix, sans se battre
Noirs, Blancs, Asiatiques, les population de tous types,
J’ai dû mourir, puis je me réveille, surpris d’être en vie
Je suis sur un lit d’hôpital, ils m’ont sauvé, j’ai survécu




Il raconte ici que cette guerre n’a pas eu qu’un effet traumatisant pour lui mais que ses enfants en ont également subit les conséquences. En cause, l’Agent Orange, défoliant répandu par les avions américains sur le territoire Vietnamien afin de faire tomber les feuilles des arbres dans le but d’empêcher les ennemis de se cacher. Le problème est que la toxicité du produit a causé beaucoup de maladies et de décès parmi les militaires, les civils ainsi que leur descendance. R.A. The Rugged Man évoque donc les graves handicaps, mentaux et physiques de son père ainsi que ses frères et soeurs qui sont tous décédés. Un hommage leur est rendu à la fin du clip.

J’ai échappé à la guerre, je suis rentré
Mais je n’ai pas échappé à ‘Agent Orange’ : deux de mes enfants sont nés handicapés
Paralysie, tétraplégique, microcéphale,
Paralysie cérébrale, cécité corticale, sont les noms des maladies qu’ils ont eus
Mon fils est mort, il n’est pas en vie
Mais j’essaie toujours de penser positivement, car dans la vie, Dieu prends, Dieu donne

John A. Thorburn

R.A. The Rugged Man:

« Mon couplet est l’histoire vraie de mon père, le sergent-chef John A. Thorburn, il est un héro de guerre décoré, abattu derrière les lignes ennemies au Vietnam, il a survécu mais est revenu à la maison affecté par Agent Orange, ce qui a rendu deux de ses enfants sévèrement handicapés. »

R.A. The Rugged Man et son père

 

Son père décédera finalement en 2010.

John A. Thorburn lors des dernières années de sa vie
Jeanne N
Jeanne N
Passionnée de la culture hip-hop depuis des années, je suis une grande fan de gangsta rap notamment N.W.A, Ice-T, 2Pac ainsi que d’artistes new-yorkais tels que Notorious B.I.G, Mobb Deep, Nas ou encore Public Enemy.