A travers un long texte rédigé par Nas sur le site de son label Mass Appeal en mai 2017, le rappeur évoquait l’Amérique sous Trump en offrant un message d’espoir aux gens de couleurs qui vivent des heures sombres en leur suggérant de ne pas abandonner leurs rêves sous prétexte qu’ils ont un président raciste.
La seule façon qu’a l’homme noir de prendre un petit morceau de l’Amérique est de prendre la même position qu’O.J. : « Je ne suis pas noir, je suis O.J. » Lorsque vous ignorez la merde qui arrive aux gens, vous pouvez vivre dans ce fantasme, ce fantasme Américain auquel vous appartenez… Vous ignorez ce qu’il se passe, et ça vous procure de la sérénité. Parce que ce qui est en train de se passer est suffisant pour rendre les gens dingues.
Un gars s’est fait lyncher à un arbre à Piedmont Park à Atlanta, en Georgie, et les policiers ont conclu à un suicide. Maintenant, évidemment que je sais qu’il y a des suicides. Il y a des noirs souffrant de maladies mentales de la même manière que les blancs souffrent de maladies mentales, sauf que les blancs qui souffrent de maladies mentales et qui ont des interactions avec les flics, ils finissent par vivre. Les noirs, nous nous faisons tuer. Donc si vous voulez ignorez tout ça et faire comme O.J., souvenez vous simplement qu’au bout du compte il s’est aussi fait avoir.
Donc où est-ce que je me situe ? Je me situe comme un homme, faisant ce que j’ai à faire. Faire ce pour quoi je suis né. Personne ne peut me dire qui je suis. Personne ne peut me dire où je peux aller et où je ne peux pas.
Personne ne peut me dire ce qui est juste en se basant sur ce qui marche pour eux, et me le faire croire. Nah.
Le Créateur nous place sur terre pour faire notre truc, donc je fais mon truc. Et je ne fais pas attention aux politiques en ce moment. Pour quoi faire? Il n’y a aucune raison. Pour moi, ça n’a aucun sens. Nous savons tous que le président est raciste. Les gens peuvent dire leurs conneries. Les humoristes peuvent être racistes. Quand tu as la responsabilité d’être président et que tu te comportes comme ça, tu envoies un message fort aux gens qui sont en dehors de ton groupe en disant qu’ils ne valent rien.
Donc pourquoi devrais-je me concentrer sur ça à moins que je sois dans la politique ? A moins que je désire être président, je n’ai pas à faire attention pour savoir ça. Si jamais je vote à nouveau – lorsqu’il sera temps de voter à nouveau, et je pense que je voterai à nouveau – je n’aurai pas à suivre l’actualité pour savoir contre qui je voterai. Mais ensuite tu te dis : « Qui est le prochain enculé qui sera président, et en quoi ça aide ? »
Ma façon de parler de ces problèmes est à travers mon travail. Quel que soit le président qui sera en fonction, ça n’affecte pas directement mon travail. La manière dont il affecte les gens est ce qui m’affecte. J’observe ce qu’il se passe et ça se retrouve dans mon processus créatif. Mais je ne suis pas impliqué avec la personne en elle-même. Je n’ai pas le moindre temps pour Trump ou Pence. Je n’en ai rien à foutre.
Je me concentre sur ce qu’il se passe avec les vraies personnes dans leur vie de tous les jours. Comment elles se comportent, les décisions qu’elles prennent et comment ça affecte les familles. J’ai grandi dans une famille monoparentale, donc j’ai été affecté par cette vie. Mais ça ne m’a pas arrêté. Donc je parle aux gens de tous les jours. Je parle à tout le monde. Si les gens sont inquiets (de la politique), j’en parle. Si les gens sont inquiets et veulent du changement, j’en parle.
Je me sentais pareil quand j’étais plus jeune. Ma voix à ce moment là ne comptait pour personne. Je m’en foutais. Vous savez ce qui est différent aujourd’hui ? Je suis plus âgé, ce qui signifie que je suis plus responsable. Ce qui veut dire faire attention à ce qu’il se passe dans mon pays.
Mais dans la réalité, l’art prospérera malgré tout. Qu’il soit affecté par ceux qui dirigent le pays ou pas, l’art prospère. Je vis là dedans, je vis dans ces murs, je vis dans ces fils, je vis dans ces stylos et papiers, et ce son. Je ne suis pas intéressé par la politique. J’ai vu Gerald Ford et le vice président Nelson Rockefeller. J’ai vu Jimmy Carter, Ronald Reagan, George Bush senior, Bill Clinton, George Bush junior et Barack Obama. C’est bon, ça me suffit.
J’ai mes propres choses à dire et je dis ce que je ressens au micro depuis longtemps. Parfois les gens me demandent : « Pourquoi tu n’as pas dit ça ? » ou « Pourquoi tu n’as pas parlé de ça ? » T’as un million de personnes avec un million d’opinions différentes et je les entends toutes. J’ai parlé de toutes. J’ai pensé à la plupart des choses auxquelles quelqu’un pouvait penser. J’avance à travers les actions. Ma musique est une action. Ce que je vous donne à travers ma musique sont mes actions.
Je pourrais avoir une chanson que je veux délivrer et ensuite je fais des choses autour de cette chanson qui représentent cette chanson. Et ça peut représenter les gens et le changement et l’aide à l’éducation des jeunes gens. J’aime ces idées. J’aime les idées d’aider les enfants dans leurs quartiers déshérités qui veulent apprendre. Les aider à vouloir être plus que ce qu’ils croient qu’ils peuvent être. Je suis tout à fait pour que vous soyez ce que vous pouvez être, parce qu’on ne sait jamais.
Cette position, la présidence, a l’air tellement loin. Mais Barack Obama a changé le jeu afin que maintenant, que vous soyez une femme ou Latino ou autre, vous pouvez penser que vous présenter à la présidentielle peut être un objectif réalisable. Gagner l’élection pourrait être réalisable pour quelqu’un de ce pays, si c’est ce que vous voulez. Quand j’étais enfant, à un moment j’ai cru que je voulais aller dans une école de cinéma. Ca allait être les films ou la musique. Steven Spielberg, George Lucas, c’étaient les gros noms pour moi.
Je fais toutes les choses dont j’ai toujours rêvé, même si il y a eu un Ronald Reagan, même si il y a eu des lois qui ont impitoyablement détruit la communauté noire, qui ont enfermé en prison des tonnes d’entre nous sur des fausses accusations et nous ont mis longtemps en prison pour des crimes pour lesquels d’autres gens reçoivent une simple tape sur la main. C’est un peu de l’esclavage. C’est comme le début du documentaire de Sacha Jenkins, Burn Motherfucker Burn ! où ce gars dit : « Je vois les noirs comme des animaux de compagnies supérieurs. »
Depuis que je suis né, les gens ont renforcé les lois visant ce qu’on appelle les minorités afin de nous garder, d’une certaine façon, en esclavage. J’y ai survécu.
J’ai lu les philosophies asiatiques lorsque j’étais adolescent, donc je vois l’équilibre partout, j’ai gardé la tête plus froide à cause de ça. Si j’ai pu faire ça à cette époque, maintenant nous pouvons en sauver beaucoup plus, vous comprenez ? Surtout aujourd’hui avec toutes les ressources que nous avons avec toute l’information qu’on a grâce à l’époque actuelle. Et ça, c’est qu’il y ait Trump comme président ou non. Donc, je n’ai pas le temps pour remuer les lèvres. J’ai du temps pour l’action. Chaque fois que je parle, c’est une action.
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