La définition du Hip-Hop par Mos Def

‘Hip Hop’ est sorti en 1999 et est tiré de l’album Black on Both Sides. Dans ce morceau, Mos Def dépeint le Hip-Hop comme une culture riche et variée permettant aux jeunes du quartier de s’éveiller, toutefois ses racines sont encore instables ce qui mène à un combat afin de le préserver.

Dans ce couplet, Mos Def décrit son processus d’écriture qui se traduit par une approche littéraire via notamment la culture générale, tout en étant dans une démarche mathématique lors de la réalisation d’un texte :

Mon agitation est mon instrument de vengeance
Il est difficile de se détendre et de rester tranquille, de s’engager sur la page
J’écris une rime, que parfois je ne termine pas avant plusieurs jours
Je scrute ma littérature de la plus grande à la plus petite
J’ajoute mathématiquement et méticuleusement, et je soustrais ce qui est nul
Je suis sélectif, je recommence
Un pur-sang en pleine puissance
Qui respire profondément sur les sons de la batterie




Mos Def décrit la protéiformité du Hip Hop qui est en évolution permanente, par conséquent il est difficile voir impossible de définir un terme précis pour le classifier dans un style musical alors que son essence est en perpétuel mouvement. Lorsqu’il évoque le « fils natif », il fait une allusion subtile au collectif d’hip-hop engagé ‘Natives Tongues’ dont font partie ATCQ, De La Soul, Black Sheep :

Fils natif, parlant dans sa langue maternelle
J’ai les yeux rivés sur le lendemain
Pendant que tu essaies encore de trouver où il se trouve
Je suis sur l’avenue où on vit et meurt, violemment mais silencieusement
Je brille tellement fort que les yeux louchent pour l’apercevoir
Embrassant la basse du bout de mes doigts noirs

Je me déplace comme une apparition, déambule sur le terrain avec des munitions
Bouge de la porte, la voix se fait entendre
Sur ta cassette, je mets de la nourriture dans ton assiette
Beaucoup de crews peuvent se reconnaitre

Le Hip-Hop s’étend dans plusieurs régions des États-Unis et laisse une emprunte indélébile par exemple avec la G-Funk et le Gangsta Rap (côte ouest), le Boom-Bap (côte est), la Trap et le Crunk (sud), etc… Mos Def critique avec ironie l’industrie musicale du hip-hop qui se veut tout autant compétitive et dangereuse que le ghetto, dont ils ont souhaité s’échapper :

(Où es-tu ?) Je suis en haut, en bas, à l’est, à l’ouest, sur toute ta carte
J’obtiens un grand respect, avec ce truc appelé hip-hop
Où tu peux soit être payé soit te faire tirer dessus
Quand ton album est en stock, les amis opportunistes reviennent
Quand ta place dans les charts chute, soudainement tu reçois des appels téléphoniques…
Ils réfléchissent un moment, voyons qui d’autre est plus chaud, et prennent ta place dans les rayons
Ne t’énerve pas
L’industrie n’est qu’une prison mieux construite

Dans le hip-hop, nombreux rappeurs clament haut et fort qu’ils sont impliqués dans les trafics de drogues ainsi que dans plusieurs délits. Ces morceaux pourraient, par conséquent, servir de chef d’accusation lors de leurs propres procès. De plus, il soulève la publicité abondante des années 1990 envers l’alcool, notamment la liqueur de Malt. Quelques années après, la question éthique se pose vis-à-vis de la collaboration avec les grandes sociétés qui aggravent l’appauvrissement des afro-américains en recevant des profits par la dépendance de ces substances dans les quartiers. Aujourd’hui, l’alcool reste largement mis en avant dans le rap, toutefois les enseignes appartiennent aux businessmans issus de cette culture comme Jay-Z, Puff Daddy ou encore Drake :

Le Hip Hop est une preuve d’accusation
Un règlement à l’amiable, un espace publicitaire pour l’alcool
Pouvoir être cool sans prestation, des appartements de luxe
Étouffant la skyline, c’est la vie pauvre qui s’élève au sommet

C’est un remède contre la pénurie d’eau
Un souvenir amer et tendre, un crime de classe E
Faisant face à la peine de mort
Stimulant et sédatif, originalement répétitif
Une école non accréditée, violemment compétitive
Le breakbeat que tu proposes avec un contenu inapproprié
Le Hip Hop est passé de la vente de crack à la consommation
Médecine de la solitude

Ici, Mos Def dépeint les contradictions du hip-hop en mettant en avant les différentes perceptions de cette musique :

– « Stimulant sédatif » fait référence à l’écoute des auditeurs qui se fait soit par la réflexion, soit par le divertissement, comme en boite par exemple.
– « Originalement répétitif » : le Hip-Hop propose du contenu varié et original, toutefois il est basé sur des samples et des beats généralement créés et interprétés par d’autres artistes.
– « Une école non accréditée » : il considère le Hip-Hop comme une école d’art non reconnue par l’État et envers cette société majoritairement blanche qui prône l’intellect plutôt que l’artistique.
– « Violemment compétitive » : La violence au sein de cette industrie musicale est réel et tout autant similaire que celle présente dans les quartiers.

Il dénonce également l’omniprésence de la drogue dans les textes de rap, devenant ainsi le quotidien de nombreux rappeurs, et évolue de ce fait vers une consommation addictive.

Mos Def prolonge la métaphore olympique avec celle des armes, le hip-hop excellerait ainsi dans le fait de cannibaliser l’industrie par la violence et la compétition grandissante. L’État souverain des démunis fait donc référence aux habitants du ghetto vivant dans une pauvreté médiocre, qui ne réussissent pas à s’émanciper financièrement. Mos Def compare l’omniprésence des graffiti de Phase 2, célèbre graffeur new-yorkais dans les années 1970, à celle du Hip-Hop, maintenant considérée comme une culture dominante :

L’instantané de la période de guerre, le jackpot du travailleur
Sponsor olympique du Glock noir (flingue)
Médaille d’or au tir
Depuis l’État souverain des démunis
Où les agriculteurs ont des difficultés avec les cultures d’argent
C’est une ville comme Phase 2 (graffeur)

Le Hip Hop va tout simplement t’impressionner, te féliciter, te payer
Mais négro, il ne peut pas te sauver






‘Hip Hop’ est un hommage à cette culture salvatrice de la condition des afro-américains, toutefois elle reste influençable par ses représentants qui ne peuvent se reposer sur elle afin d’espérer échapper à leur quotidien.

 

De quoi ça parle? est la nouvelle section d’Adramatic Hip-Hop dans laquelle vous retrouverez quotidiennement une analyse textuelle détaillée d’un son ainsi que la traduction de ses passages clés afin d’en extraire l’histoire qu’il raconte.

Jeanne N
Jeanne N
Passionnée de la culture hip-hop depuis des années, je suis une grande fan de gangsta rap notamment N.W.A, Ice-T, 2Pac ainsi que d’artistes new-yorkais tels que Notorious B.I.G, Mobb Deep, Nas ou encore Public Enemy.