Suge Knight restera à jamais célèbre dans l’histoire du hip-hop pour ses méthodes peu orthodoxes, comme le prouvent ces huit exemples.
La scène rap et hip-hop des années 90 ressemblait à l’ouest sauvage. Le gangsta rap glorifiait le crime, la violence et la débauche, et la rivalité entre la côte est et la côte ouest semblait interminable. Parmi les artistes affiliés au gangsta rap, citons Snoop Dogg, Dr Dre et Ice T, qui sont devenus des méga stars, prospérant bien après que le beef se soit calmé et s’imposant comme des icônes de l’industrie.
Il y a toutefois un homme qui a régné sur la côte ouest d’une main de fer et qui a joué un rôle clé dans le déclenchement et le déroulement de la rivalité. Marion Hugh Knight Jr – plus connu sous le nom de Suge Knight – était un acteur clé du rap game, responsable de la création de Death Row Records aux côtés de Dr Dre, et qui a fait de Tupac Shakur la sensation internationale qu’il est devenu.
Knight avait le don d’obtenir ce qu’il voulait qu’importe la manière. De nombreuses histoires de l’époque racontent que Suge a utilisé la force et l’intimidation pour parvenir à ses fins. Les rappeurs de Los Angeles qui cherchaient à lancer leur carrière savaient que Knight était l’homme qui pouvait le faire pour eux et Death Row était le label où il fallait être.
Les rappeurs savaient aussi que doubler Suge Knight était une terrible erreur. Il a ainsi acquis la réputation d’être un personnage impitoyable, avec ces histoires qui circulent encore aujourd’hui et qui font de lui une figure centrale de la scène rap des années 90.
Les menaces sur Eazy-E pour faire libérer Dr Dre
La naissance et la chute de N.W.A. est une histoire complexe et intéressante. Il existe tellement d’éléments fluctuants qu’il est difficile d’identifier une seule personne comme étant la seule raison de l’éclatement du groupe.
Des désaccords contractuels et le traitement privilégié d’Eazy-E par son manager Jerry Heller mettent le groupe sur la voie d’une rupture brutale. De son côté, Suge Knight contribue également à orchestrer la séparation. Pour cela, il facilite la libération de Dr Dre de son contrat avec Eazy et le label Ruthless Records de Heller.
Après avoir réalisé que la part du lion de l’argent dans l’industrie provenait des droits sur la musique, Knight a cherché à créer un label. Pour cela, il a capitalisé sur les frictions au sein de N.W.A en convaincant Dr Dre de se ranger de son côté. Le seul problème étant que Dre est toujours sous contrat avec Ruthless et qu’il ne peut rien sortir sous la direction de Knight.
Une solution simple pour Knight, qui va rendre visite à Eazy-E avec quelques hommes armés de battes de baseball. Après avoir été malmené et s’être vu menacé de rendre visite à sa mère, Eazy-E a signé une décharge et Dre a été libéré de son contrat.
L’enlèvement de Happy Walters
Ronin Ro était un journaliste de rap bien connu dans les années 90. Célèbre pour son travail avec le magazine The Source, il a ensuite publié son propre livre, Have Gun Will Travel : The Spectacular Rise and Violent Fall of Death Row Records. Son livre détaille une grande partie des actes de violence auxquels se livraient régulièrement les employés de Death Row, qui ne se contentaient pas de rudoyer leurs opposants.
À l’époque, Happy Walters manageait de nombreux artistes de haut niveau, notamment RZA du Wu-Tang Clan et Cypress Hill, pour ne citer qu’eux. Knight, qui cherche toujours à étendre son empire, a peut-être considéré Walters comme un concurrent dont il fallait s’occuper.
Après avoir refusé de libérer les artistes qu’il manageait, Walters a été enlevé alors qu’il se trouvait à un distributeur de billets à Los Angeles. Il a été retrouvé deux jours plus tard dans un hôtel de Long Beach. Il était couvert de brûlures de cigarettes, hébété et battu. Walters n’a jamais déposé plainte concernant l’incident et a affirmé qu’il souffrait d’amnésie.
Ro prétend que Knight était derrière l’attaque, bien que cela n’ait jamais été prouvé. Le résultat a néanmoins profité à Knight, Walters perdant la majorité de ses artistes peu de temps après.
L’incident avec Vanilla Ice
L’histoire de Suge Knight et de Vanilla Ice fait partie des légendes du hip-hop. Bien qu’il existe différentes versions des événements en fonction de la personne à qui vous demandez, la constante dans toutes ces versions est que Knight a fini par obtenir ce qu’il voulait.
L’histoire raconte que Mario « Chocolate » Johnson, qui était managé par Knight à l’époque, prétendait avoir aidé Vanilla Ice à écrire son tube, Ice Ice Baby, sans recevoir aucun crédit ni aucun royalties. Suge, mécontent de cette injustice, décide d’en parler avec Ice et se rend à l’hôtel où le rappeur loge.
C’est là que les choses deviennent un peu confuses. La version la plus élaborée veut que Knight ait emmené Ice sur le balcon et l’ait fait pendre par les chevilles, le menaçant de le faire tomber jusqu’à ce qu’il accepte de céder les droits d’auteur du hit. Vanilla Ice a plusieurs fois contesté cette rumeur et affirmé que ce n’est pas ce qui s’est passé.
Dans le documentaire Welcome to Death Row de 2001, Ice déclare : « Suge m’a emmené sur le balcon… Il m’a fait regarder par-dessus le bord, me montrant à quel point c’était haut. J’aurais dû porter une couche ce jour-là. »
Indépendamment de la manière dont les choses se sont déroulées, on en vient au même résultat : Suge Knight a convaincu Vanilla Ice de lui céder 25 % des droits sur la chanson et, une fois de plus, a obtenu ce qu’il voulait avec un minimum d’efforts et sans aucun litige.
Vanilla Ice a toujours nié que Mario Johnson a participé à l’écriture du titre.
Le tempérament sulfureux de Suge Knight
Tous les employés de Death Row Records savaient que Suge Knight était quelque peu cruel et n’avait pas peur de montrer à tous qui était le patron.
En 1992, dans un studio d’enregistrement d’Hollywood, les frères et aspirants rappeurs George et Lynwood Stanley espèrent impressionner Knight et rêvent de devenir les nouvelles sensations de la côte ouest. Ils ont réussi à attirer l’attention de Knight, mais pour de mauvaises raisons.
Les frères ont commis l’erreur d’utiliser le téléphone du studio sans en demander la permission à Suge, qui n’a pas pris ce manque de respect à la légère. Des documents juridiques obtenus par le Los Angeles Times indiquent que Knight a ordonné aux deux frères de se déshabiller tout en les tenant en joue, et qu’il les a battus et frappé avec son pistolet tout en tirant des coups de feu dans leur direction.
L’incident a constitué une violation de la période de mise à l’épreuve de Knight et l’a renvoyé devant le tribunal. Mais le procureur chargé de l’affaire, Larry Longo, avait des liens avec Death Row. Sa fille avait en effet un contrat d’enregistrement avec le label. La pression exercée par Longo a amené les frères à accepter un arrangement dans le cadre d’un procès civil, ce qui a permis à Knight d’éviter la prison.
Le déclenchement de la rivalité entre la côte Est et la côte Ouest
C’est malheureusement son plus grand fait d’arme. Ses effets ont été durables et ont provoqué une onde de choc dans tout le pays. Ca a déclenché le beef le plus connu et haineux que le rap game ait jamais connus. Et, évidemment, il a causé les morts de Tupac et de Notorious B.I.G.
Lors de la deuxième édition des Source Awards en 1995, Suge Knight est monté sur scène et a prononcé un bref discours qui a suscité un tollé de la part de la foule new-yorkaise.
« Tout artiste qui veut être un artiste, rester une star, et ne pas avoir à s’inquiéter du producteur exécutif qui veut être partout dans les vidéos, sur les chansons, danser, venez chez Death Row ! »
Il s’agissait d’une attaque à peine voilée contre Sean Combs, aka Puff Daddy, originaire de la côte est et magnat de la musique. Les parallèles entre Puff et Suge sont troublants. Chacun est un pilier de la musique dans son propre état, et chacun a sa propre superstar qui a dominé les charts, respectivement The Notorious B.I.G. et Tupac.
Le public new-yorkais n’a pas caché son mécontentement à l’égard des commentaires de Knight et a rapidement manifesté son soutien à l’un des leurs. Et c’est ainsi que les frontières de la guerre ont été tracées. Les fans ne peuvent plus apprécier les artistes des deux côtes et les rappeurs se lancent dans des insultes et des disstracks pour les années à venir. Tout cela à cause de Suge Knight et à son attitude absolument impitoyable.
Les méthodes d’interrogations brutales de Suge Knight
Le beef entre la côte est et la côte ouest a continué à s’intensifier tout au long de l’année 1995 et s’est progressivement transformé en une guerre de mots.
À la fin de l’année, Death Row a organisé une fête de Noël à Hollywood et un individu nommé Mark Anthony Bell était présent. Bell était un ami de Puffy, on peut donc dire qu’il était du côté de l’ennemi. Sa décision d’assister à l’événement s’est avérée mauvaise, et lorsque Suge Knight a eu vent de sa présence, Bell a connu une soirée difficile, mais désaltérante.
Knight et Tupac ont confronté Bell et exigé qu’il leur donne l’adresse de la maison de Puffy à Los Angeles. Mais Bell était peu disposé à donner cette information. Les choses sont allées de mal en pis pour Mark Anthony. Il a été roué de coups et, selon Knight lui-même, contraint de boire de l’urine. Cette méthode d’interrogatoire s’est avérée être la préférée de Suge. D’autres histoires ont été contées de temps à autre, montrant Knight employant cette même tactique sinistre.
La jalousie du succès d’Eminem
Suge Knight est reconnu coupable de violation de liberté conditionnelle au début de l’année 1997 et condamné à neuf ans de prison. Interscope abandonne alors son contrat de distribution avec le label, ce qui incite la plupart des talents restants à se tourner vers d’autres horizons. Nate Dogg, Snoop Dogg et Kurupt quittent tous Death Row alors que le contrôle de Knight décline rapidement.
Et Dre dans tout ça ? Le membre d’NWA a lui quitté le label bien plus tôt, en 1996, pour créer Aftermath Entertainment. Si le premier album du nom du label floppait et que beaucoup croyaient Dre fini, la signature d’un jeune rappeur blond de Detroit a sauvé le label.
Le lancement de la carrière d’Eminem est cependant loin d’être un long fleuve tranquille. Même en prison, l’influence de Suge Knight se fait toujours sentir et il n’est pas facile d’échapper à son emprise. Selon Byron Williams, le garde du corps d’Eminem à l’époque, les problèmes ont commencé lors des Source Awards 2001, lorsque des bandits prétendant représenter Death Row ont commencé à harceler Slim Shady, soi-disant au nom de Knight. Les choses se sont intensifiées lorsqu’ils ont atterri à Honolulu, où ils ont été accueillis par 20 policiers qui les ont informés que Death Row était là, et que Suge avait envoyé 50 de ses sbires pour interrompre un concert.
Bien qu’il se trouve derrière les barreaux, Suge Knight parvient toujours à tirer les ficelles en coulisse et fait tout ce qui est en son pouvoir pour compromettre ses anciens amis.
Suge Knight menace le réalisateur de Straight Outta Compton
Straight Outta Compton est sorti en 2015. Salué par la critique, le film détaille le parcours spectaculaire de N.W.A et son ascension vers la célébrité et la notoriété. Le film dépeint également les derniers moments du groupe et n’hésite pas à pointer du doigt les responsables de sa chute.
Jerry Heller n’était pas satisfait de la façon dont il était dépeint dans le biopic. Il a porté plainte contre le réalisateur du film, F. Gary Gray, Ice Cube et Dr Dre pour diffamation et a affirmé qu’une grande partie du contenu était tirée de son autobiographie sans autorisation.
Suge Knight s’est également offusqué de son personnage sur grand écran. Mais son mécontentement à l’égard du film n’a pas été exprimé dans un tribunal comme celui de Heller. Au lieu de cela, Suge Knight a fait part de ses sentiments directement à Gray. Par le biais de multiples appels téléphoniques et SMS menaçants concernant ses enfants.
Comme cela semble être le cas dans de nombreux incidents supposés impliquer Suge, sa victime a une fois de plus développé un cas de perte de mémoire à court terme. Lors d’une audience du grand jury concernant cette affaire, Gray a déclaré au jury qu’il ne se souvenait d’aucun détail de ses interactions avec Knight et aucune charge n’a été retenue.